C’est un souffle chaud et une odeur musquée qui me réveilla, j’avais l’impression d’être dans un nid douillet et un contact mouillée et légèrement râpeux sur ma joue et mon visage acheva de me réveiller totalement.
J’ouvris les yeux pour faire face à ce qui reste encore pour moi, à ma mémoire, une des choses les plus terrifiantes. A quelques centimètres de mon visage se trouvait la gueule lourde et massive de « Croc Brisée », ces yeux semblaient pourtant me fixer sans animosité aucune et je vis la lourde tête se pencher une fois de plus vers moi pour mécher une forme chaude et velue à mon coté. Niché entre les larges pattes de l’ourse celle-ci échangeait également coups de langue entre moi et « Gourmand » qui au même instant sembla se réveiller.
Je restais statufié n’osant pas bouger. Pourquoi « Croc Brisée » m’avait elle épargné ? Le sang de son petit me couvrant m’avait il préserver de sa vindicte ?
Je sais aujourd’hui que tel n’est pas le cas, même si cela a du aider. « Croc Brisée » avait déjà reconnue en moi un enfant de « Mère Ours » et tout naturellement avait pris soin de moi comme un de ses petits. Mais voilà que je m’égare encore.
Je disais donc que l’ourse nous avait douillettement calés entre ses pattes attendant patiemment que ses bons soins nous remettent d’aplomb. Il est vrai que très bizarrement mes plaies semblaient miraculeusement résorbées et je savais que la salive d’animaux avait certaines vertus cicatrisantes mais sur le moment le choc de ma rencontre en direct avec « Croc Brisée »me laissait dans un émoi certain et je n’eu comme seul réflexe que de me blottir encore plus contre elle quémandant sa chaleur et son réconfort et c’est à l’ombre de l’impressionnante forme de l’ourse que je replongeais à nouveau dans le néant.
Lorsque je me réveillais à nouveau j’étais seul au bord de la rivière, les nombreuses traces autour de moi montraient sans aucun doute que l’ourse était repartie avec ses petits et je pouvais distinctement voir la direction prise par eux.
Mais il était déjà tard et mes parents devaient s’inquiéter de mon absence c’est donc avec une certaine nostalgie que je reparti à mon village avec dans la tête les images des trois ours.
Pour résumer les nombreux mois qui passèrent sachez seulement que je me mis très rapidement à aider les adultes du village, alors que d’autres enfant de mon age jouaient encore, ma haute stature et mes larges épaules, alors que mes parents étaient des plus classiques, me firent mettre à contribution plus tôt que prévu.
Sachez aussi que tout mon temps libre se passait en compagnie des trois ours que j’étais revenu voir habité par une étrange compulsion. « Croc Brisée » me considérait comme un de ses petits et m’apprenait la chasse et tout ce qui fait d’un ours un bon ours. « Gourmand » et moi faisions assaut de malice et de gourmandise pour nous procurer à manger alors que « Longue Griffe » se bagarrait souvent avec moi laissant sur mon corps bleus et parfois même plaies qui toujours aussi bizarrement disparaissaient assez rapidement sans que je sache comment.
Vint enfin le jour fatidique. Les années avaient passées et la présence de trois gros ours dans la région commençait à inquiéter sérieusement les Anciens qui décidèrent alors d’organiser une battue pour mettre un terme à la menace. Quand je parle de menace elle n’est en fait que la peur des villageois, en effet les ours n’attaquaient jamais l’homme et ne faisaient que se défendre des chasseurs qui en voulaient à leur fourrure.
Rentrant un soir après une dure journée de labeur j’appris par mon père que les chasseurs étaient parti pour chasser les ours. Pour moi ce n’était pas de la chasse, cela allait être un meurtre, « Croc Brisée », »Gourmand » et « Longue Griffe » faisaient autant sinon plus parti de ma famille que mes géniteurs envers qui je n’éprouvais qu’une vague affection.
C’est donc en courrant que je partis dans la forêt directement à la grotte de mes ours sitôt mon père ayant fini de parler. Jamais je ne courus aussi vite je fonçais comme un « ours » écartant les faibles obstacles sur mon chemin.
J’arrivais rapidement auprès de ma « mère » et de mes « frères » pour constater que les chasseurs avaient déjà commencé leur ouvrage. « Gourmand » gisait déjà à terre criblée de flèches alors que « Croc Brisée » combattait rageusement au dessus du corps de « Longue Griffe ». L’ourse balayait les piques qui se dressaient devant elle alors que les chasseurs lâchaient sans relâche leurs flèches sur sa silhouette massive. Je vis « longue Griffe » s’écrouler une flèche plantée dans l’œil atteignant son cerveau mettant un terme à sa vie.
« Croc Brisée » s’élança alors sur le reste des guerriers, les ours ayant prélevé leur tribut de vie, les balayant comme des fétus de paille malgré ses multiples blessures. Elle poussa un ultime rugissement alors que se reprenant les chasseurs plantaient leurs piques de chasse dans son ventre exposé. Le rugissement sembla pourtant se prolonger en un faible écho et c’est avec surprise que je me rende compte qu’il sortait de ma bouche.
Habité par une soif de sang animale je me précipitais dans le dos des chasseurs les balayant comme l’avait fait « Croc Brisée » un peu plus tôt. Heureux soient les chasseurs que je n’ai point eux de griffes, je les frappais de toutes mes forces brisant les os, les envoyant voler à plusieurs mètres de distance.
Ma force était décuplée par la colère, totalement surpris les chasseurs furent écrasés en quelques minutes. Je ne sentais pas les blessures que certains avaient réussis à me porter et qui commençaient déjà à se refermer.
Sortant peu à peu de ma folie furieuse je me jetais en sanglot sur « Croc Brisée », la serrant dans mes bras, léchant même ses plaies comme elle l’avait fait pour moi des années auparavant. Dans un ultime sursaut de lucidité je pris une large dague à un chasseur et dépeçait l’ourse, me vêtant de sa fourrure usant de son crâne comme couvre chef.
Pourquoi ai-je fait cela ? Je ne le sais toujours pas. Sachez seulement que cette fourrure je la possède toujours, elle fait partie de moi comme je fais parti d’elle. Ce n’est pas un simple vêtement c’est tout l’amour qu’il y a eu entre moi et ces trois ours.
Sachez aussi que suite à ceci je perdis tout contact avec l’humanité pendant, voyons comment dirais je, un certains temps jusqu’à ce qu’un jour………