Le retour en Westermarck

-"Nous allons aux écuries. Rejoignez nous là. Nous partirons juste aprés, je vous menerai en Westermarck."

Avait dit l'homme en noir.

Deedar referma son livre sitôt le dénommé Soleïn parti, il paya le tavernier en lui donnant un pourboire pour sa discrétion.
Il remonta dans sa chambre, ses sacs étaient toujours prêts pour un départ précipité.
Il les prit et redescendit au ré de chaussée. Il sortit par la sortie arrière prévue par le tavernier en cas de problème.

Deedar enroulé dans une cape chaude était tout de noir vêtu, il attendit caché dans la pénombre que les personnes
qu'il allait suivre se regroupent et partent. Sa monture était dans l'écurie, elle l'avait entendu et commençait à trépigner.

Dans l'obscurité en ne pouvait voir que le blanc de ses yeux, sa respiration était imperceptible.
Il devait attendre...

-"Oui, j'en suis certaine, quittons au plus vite cette ville."


Albha regarda à l'extérieur des écuries, cherchant du regard le couple qui devait les accompagner.


"-Je te suis tellement redevable, je te remercie Soleïn ."

Elle s'inclina légèrement avec grâce, puis se mit à observer le cheval .

Dès qu’elle paru, Loknar haussa un sourcil de surprise.
Il travaille pour un bordel ce gars ou alors il est séduit ? Qu’importe c’est son affaire…
Il haussa l’autre sourcil lorsque leur guide laissa sa décision sous le contrôle de la femme en question.
J’ai du manquer quelque chose…
Il regarda sa sœur espérant détecter dans son regard une lueur de compréhension qui aurait pu le rassurer. Mais il était temps d’y aller.
« - Nous ne pensions pas cheminer de nuit. Mais nous te suivons. Notre chariot se trouve aussi aux écuries. »
Prenant son manteau de voyage de sa chaise, Loknar balaya une dernière fois la salle du regard se disant que c’était peut être la dernière fois avant longtemps qu’il aurait l’occasion de voir l’agitation si commune des cités aquilonienne. Réajustant sa tunique sous sa cuirasse de cuir bouilli, il resserra sa ceinture à laquelle pendant son épée large. Il profita de ce moment pour interroger sa sœur :
« - La femme que j’ai pris pour une catin semble avoir une sacrée influence sur notre guide. Toi qui a appris à lire les livres, leur symbole te dis quelque chose ? »

Il s’assura enfin que sa sœur était prête et ensemble ils quittèrent la salle l’air déterminé. Les gunderans pénétrèrent dans les écuries et se dirigèrent vers leur chariot. Alors que Yev préparait le chariot au départ en en faisant le tour, Loknar s’occupait d’harnacher leur vieux cheval : un percheron âgé mais suffisamment puissant et endurant pour faire ce dernier voyage. Une fois montées à bord, il sortirent de l’enceinte de l’auberge pour retrouver leur guide et cette femme.
Jetant un coup d’œil à son vieil animal puis un destrier que monta cette femme. Loknar afficha un regard amusé et s’adressa à sa sœur :
« - Nous ne sommes pas du même monde… mais là où l’on va cela ne devrait plus avoir d’importance. »
Il secoua les rênes en articulant un ordre à sa bête. Le chariot s’ébranla et alla rejoindre Soleïn et la dame. Arrivé à la hauteur de l’homme, Loknar s’adressa à lui :
« - Soleïn, tu pourra monter avec nous si le cœur t’en dit. La route sera longue. »

Albha avait réussi à se hisser sur le cheval sans problèmes et à son grand étonnement, elle ne savait pas monter.
Elle n'osait pas bouger, remit les plis de la cape tout autour d'elle, la tunique retroussée sur ses jambes ne cachait plus grand chose. Elle se pencha pour attrapper une bride, puis la seconde, se pencha en avant, pensant que ça ferait avancer le cheval.


Son visage trahissait de grandes interrogations, elle leva un regard inquiet et interrogateur vers les autres.

Soleïn rigola doucement voyant les efforts de la jeune femme pour faire avancer le cheval.

-"Ne vous embetez pas avec ca. Fizaple me suivra de toute manière. Laissez aller vos jambes, c'est votre bassin qui donnera votre équilibre. Suivez le rythme du cheval."

Tout en parlant, il rallongea les étrivières.

-"Je resterai à coté de vous."

Il se retourna en entendant ses compagnons de route arriver.

« - Soleïn, tu pourra monter avec nous si le cœur t’en dit. La route sera longue. »

Le jeune homme esquissa un leger sourire.

-"Je te remercie, mais cela n'est pas la peine. Je resterai à coté de mon cheval." -Il s'approcha de la tête de sa monture et lui parla doucement - -" Sois sage...Tu restes tranquille mon beau..."

Il commença à marcher, son cheval avançant à ses coté. Il gardait une main sur le troussequin de la selle au cas ou.

-"Dites moi si vous n'allez pas bien Albha" - puis se tournant vers les deux autres voyageurs - -" Puis je vous demander pourquoi vous avez envie de vous installer la bas? Et aussi connaitre vos noms si possible?"

Albha regardait les deux oreilles pointues du cheval devant elle, celà lui sembla vraiment facile de monter, jusqu'à ce que le cheval se mit à avancer, elle pencha à gauche, se remit d'applomb, elle pencha à droite, serra les rênes de toutes ses forces avant de glisser lamentablement de la selle et de mordre la poussière.

Elle se releva en pinçant les lèvres n'osant lever les yeux vers les autres.

Soleïn se hata de la rejoindre, et l'épousseta doucement.

-"Je suis vraiment désolé..excusez moi...Vous n'avez rien?"

Le jeune homme regarda le chariot, puis son cheval, et puis de nouveau la jeune femme

-"Si vous voulez, je monte derriere vous, je m'arrangerai pour que vous ne tombiez plus. Mais si vous preferez, je suis sur que vous pourrez vous installer dans le chariot de nos compagnons. Que preferez vous?"

Le rouge de la honte au front Albha remit la cape en place, regarda le chariot puis le cheval.

-"Comme tu le souhaites, après tout c'est toi qui conduit cette curieuse caravane, le choix t'incombes Soleïn "

La jeune fille tata discrètement le bas de son dos, afin de vérifier qu'elle n'avait rien de cassé.

Aprés un moment de reflexion, il l'aida à se remettre en selle et se hissa derriere elle. Il prit les renes d'une main, et posa l'autre sur le pommeau de la selle, encadrant la jeune femme de ses bras.

-"Laissez vous allez, vous verrez, vous serez à l'aise trés vite. Si jamais vous voulez descendre, dites le moi"

Mettant le cheval au petit trot, il rejoignit le chariot.

-"Nous allons vers l'ouest, en direction de Tauran. Nous ferons une pause avant l'aube. Nous voyagerons de nuit. C'est plus sur pour tout le monde, vous pouvez me croire."

Impatient, Fizaple piafa, vite remit au pas par son cavalier.



-"Nous pouvons partir quand vous voulez."

Albha uen fois remise en selle et encadrée par les bras de Soleïn, regarda le couple dans le chariot, sourit et finit par dire :

"-Je m'appelle Albha et vous ? "

Lorsque Loknar avait abordé le jeune homme aux longs cheveux bruns dans la salle principale de l’auberge, Yev avait eu tout le loisir de le détailler. Son allure lui semblait un peu inquiétante ainsi vêtu de noir de la tête au pied. Lorsque Soleïn ne souriait pas, ses yeux très sombres en contraste avec sa peau blanche ne faisaient qu’accentuer cette première impression mitigée. Heureusement il souriait souvent, et ce sourire annulait tout le reste, le rendant beaucoup plus séduisant.
Elle nota les deux épées courtes à sa ceinture. Loknar lui avait affirmé pendant le repas que cet homme, d'aprés ce qu'il avait vu devant l'auberge, savait se servir à la fois de son sourire et de ses armes.

Soleïn s’était incliné légèrement devant Yev, et elle avait répondu d’une inclinaison de tête toute aussi légère.
Comme la jeune femme à la chevelure tressée en couronne ne s’y opposait pas, il fut conclu qu’ils feraient le voyage tous les quatre ensemble.

Yev était satisfaite de la tournure que prenaient les choses.
La question que son frère lui posa alors déclencha son hilarité. Elle cessa tout de même de rire en voyant qu’il était sérieux.
"- Une catin ? Parce qu'elle est montée dans sa chambre ?" Elle le toisa de son petit air moqueur favori, puis s’éclaffa :
"Mon frère, tu n’y connais rien ! Tu ne sais donc pas reconnaitre quand tu en vois une servante de Mitra et…" elle hésita un court instant… "et son homme lige ? Cette fille portait la robe des novices en entrant dans l’auberge, même si elle s’est changée à présent, surement pour pouvoir aisément monter à cheval, et ce type semble la suivre et la défendre."

Loknar savait que contredire sa sœur était le plus souvent une perte de temps et d’énergie, surtout quand elle avait tort.

Yev monta dans le chariot et lissa sa robe du plat de la main. Une robe en bon drap de laine écru, seyante bien que de coupe simple et sans autre fioritures que de discrètes broderies ton sur ton aux poignets. Ce n’était pas vraiment une robe de novice. Novice Yev l’était pourtant.

Albha, une fois bien d’aplomb sur le cheval de Soleïn (c'est à dire coincée dans les bras de ce dernier), se présenta à eux. Yev répondit en souriant aimablement :

"Je suis Yev, et voici mon frère Loknar. Je pense que rien de fâcheux ne pourra nous arriver durant ce voyage si nous restons ensemble et qu’ensemble nous prions le seul et unique dieu."

Sur ce dernier point, la jeune gunderane ne s’attendait pas à un débordement d'enthousiasme religieux de la part de son frère ou même de Soleïn, mais elle adressa un clin d’œil entendu à Albha.

Albha souriait à celle qui se nommait Yev.

-"Louons Mitra de nous avoir mis sur la même route, il veillera sur nous car il est partout."


Albha commença à se pencher dangereusement sur le cheval pour mieux observer Yev, elle sourit grandement en penchant la tête mais ne dit rien, elle craignait de se tromper, de mettre la jeune fille dans l'embarras, de plus, bien qu'elle portât une robe de qualité, ce n'était la robe des novices qu'Albha connaissait.

Elle observa ensuite Loknar, avant de gesticuler à nouveau sur leur monture afin de regarder Soleïn derrière elle.

-"Soleïn ? Nous nous mettons en route ?

Se sentant observé par la femme nommée Albha, Loknar la regarda dans les yeux. Il essaya d’anticiper sur ce qu’il envisageait des pensées de la prêtresse, comme un écho aux supputations de sa sœur :
« - Non je ne suis pas son homme-lige. Juste son frère. »

« - Deux novices de Mitra… puisse t il nous pardonner d’avoir concentré toute la ferveur régionale dans notre équipée. » ajouta t il sur un ton où la rancune perlait à chaque mot.
« - Soleïn, peux tu nous parler de Fort Thandara et de la vie que les colons y mènent ? »

-"Soleïn ? Nous nous mettons en route ?

Le jeune homme acquiessa et talonan son cheval, le mettant au pas, le chariot roulant à leur coté.

« - Non je ne suis pas son homme-lige. Juste son frère. »

« - Deux novices de Mitra… puisse t il nous pardonner d’avoir concentré toute la ferveur régionale dans notre équipée. » ajouta Loknar sur un ton où la rancune perlait à chaque mot.
« - Soleïn, peux tu nous parler de Fort Thandara et de la vie que les colons y mènent ? »


Soleïn tourna la tête vers l'homme.

-"J'ignorais que les servantes de Mitra avaient des hommes liges. Pour ce qui est du fort, je n'y suis jamais allé. La vie que les colons y mènent...Beaucoup d'attaques Pictes. Ils font trés régulièrement des incursions. Mais les colons arrivent à les repousser..La plupart du temps. La vie y est simple. Quand les attaques n'ont pas lieux, je trouve l'endroit trés agréable. Une terre aussi belle que dangereuse... - Puis, regardant yev - "Je crains que prier Mitra ne suffira pas à nous proteger pendant ce voyage. Ni même là ou nous allons..."

Au mot attaque Albha se raidit.

"Des attaques Pictes ? "

-" Oui. Mais n'ayez crainte. Tant que je serai la, il ne vous arrivera rien, vous avez ma parole."

Soudain Fizaple piétina avec force.

-"Eh mon beau...Calme toi... Il y a quelque chose qui le dérange.."

La monture se calma rapidement, ses mouvements d'oreilles montrant qu'elle restait sur le qui-vive et sa crainte. Le cavalier repartit en trottant, invitant le chariot à le suivre.

-"Je suis d'avis de s'éloigner. Nous ferons une halte avant l'aube."

Albha remarque que le cheval semble perturbé par quelquechose, elle se retourne vers Soleïn, l'interroge du regard avant de lui demander.




-"Quelquechose ne va pas ?

Le visage de Soleïn se fendit d'un sourire rassurant.

-"Rien de grave j'en suis sur. Mon cheval doit sentir un animal, rien de plus. Ca va vous êtes bien installée?

Il tourna la tête , regardant Yev et Loknar.

-"Si vous avez des questions, n'hésitez pas."

Rassurée Albha se détendit.

-" Bien installée oui...je n'aurais jamais pensé que ce fut aussi confortable l'échine d'un cheval."

Albha réprima un baillement, la nuit était douce, éclairés par la lune pleine et les étoiles le petit groupe avançait dans l'air agréablement odorant de la nuit, des fragances d'herbe fraîchement coupées, d'arbustes sauvages aux petites fleurs parfumées, au loin s'entendait le cri d'animaux de la nuit, mais ces bruits venaient de si loin qu'Albha n'en était pas éffrayée.



-" Nous allons à Taraun ..ou Torane ....j'ai oublié ... (Albha rit légèrement) quelle sotte ! ...La route sera longue ?

La tête d'Albha dodeline de droite à gauche son corps s'affaisse légèrement, s'appuyant au cavalier derrière elle, les paupières lourdes elle lutte contre le sommeil qui l'envahit.

-"Nous nous dirigeons vers Tauran oui. Nous y arriveront dans deux jours à cette allure.

Toujours souriant, il regarda Albha lutter contre le sommeil, affichant un air bienveillant.

-"Dormez si vous voulez. Vous en avez surement besoin" murmura-t'il

Passant à coté de la charrette, il repartit à rebrousse-chemin, regarda un moment , puis rejoignit ses compagnons.

Albha se redressa un peu honteuse.


"Non, non, je n'ai pas sommeil ...ça va...je t'assure."


Dix minutes après la tête dorée d'Albha reposait sur l'épaule de Soleïn, elle dormait à poings fermés.

Le gunderan écoutait d’une oreille distraite la discussion courtoise qui se déroulait devant eux. Le bruit de leur équipée faisant une drôle d’ambiance sonore à ce qui passait pour une poésie de Khitaï… du moins aussi loin que la sensibilité de Loknar pouvait aller.

Citation :

« - Je crains que prier Mitra ne suffira pas à nous protéger pendant ce voyage. Ni même là ou nous allons... »

Tiens un de plus qui a une dent contre Mitra…
Il fut vite surpris par la tournure des paroles qui suivirent les inquiétudes d’Albha.

Citation :

« - Oui. Mais n'ayez crainte. Tant que je serai la, il ne vous arrivera rien, vous avez ma parole. »

Ce type se vante de faire mieux que se ce que pourrait faire un dieu par l’intermédiaire de ses disciples ? Se pourrait il qu’il soit un démon ou un dieu qui foule cette terre ? Nous verrons cela en chemin.

La femme était visiblement fatiguée, il était inutile que Yev veille avec son frère.
« - Yev… tu devrais en profiter pour dormir aussi à l’arrière du chariot. Tu prendras la relève après si tu veux bien. Soleïn, tu pourras aussi déposer ta femme à l'arrière.»

Puis vint le temps des questions :
« - Soleïn, parle moi de la façon dont ils sont organisés là bas ? Les villages, les milices, la main mise de l’Aquilonie sur la politique et les ressources du coin. Parle moi aussi des attaques pictes : ce sont des escarmouches ou ce sont des raids bien organisés qui laisserait penser qu’un guerre se prépare ? »

Le jeune homme plaça sa monture aux cotés de Loknar.

-"Je crains de ne pas pouvoir te répondre...Je sais qu'une force militaire est présente..Les Rangers je crois. Autant que je sache, la zone est independante, et est dirigée par des capitaines ,sous les ordres du gouverneur. Les amis que je rejoins sont justement de ces capitaines. Pour ce qui est des attaques...Je dirai des escarmouches...Mais rien ne dit qu'une attaque organisée n'aura pas lieux un jour ou l'autre. Et cela sera surement dévastateur. Les ressources...Beaucoup de bois...Mais il manque énormement de chose. J'imagine qu'on les trouves dans divers marchés..plus loin."

Se taisant, il regarda Albha. Elle semblait confortablement installée et dormait paisiblement. Puis, regardant à nouveau son compagnon.

-"Mais je me trompe peut être. Je n'y suis resté que trés peu. Les capitaines te diront ce qu'il en est vraiment. La seule chose dont je sois sur, c'est que la vie y est dur."

L'allure du cheval berçait le sommeil d'Albha, les hommes parlaient à voix assourdies qui ne la réveillèrent pas non plus.
Elle dormait d'un sommeil sans rêves, lourd de fatigue et de peur accumulées.

En quelques temps elle avait quitté Tarantia, le havre blanc du Temple de Mitra, la bonhommie des prêtres, l'insouciance des cours donnés aux très jeunes enfants, pour un monde sauvage, arrivé si brutalement dans sa vie qu'il en était abstrait.

La décapitation du Postulant, la course poursuite qui s'était soldée par un autre meurtre qu'elle avait vu, la distance franchie au pas de course, la ville de cauchemar et l'auberge refoulant ses ivrognes avides de sensations suaves.
La rencontre avec Soleïn aussi incroyable que les autres évènements, l'apparition de ce couple qui semblait normal au milieu de cette faune bigarée de la taverne. Tous ces évènements étaient encore enfermés dans l'esprit de la jeune fille, ce n'était qu'une question de temps pour qu'Albha réalise ce qui venait d'arriver.