Les Pionniers arrivent en Thandara...

Le Kithanien sortit un poignard des replis de son vêtement et trancha net la lanière de cuir de l'étrier qui emprisonnait le Cimmérien. Saisissant la main de celui il le tira de sous sa monture tandis que Killian relevait le cheval.
Sans attendre de remerciement il tourna les talons et ôta le haut de sa tunique, dévoilant ainsi un plaston laqué sur son torse nu (comme sur l'avatar), ainsi que des protections sur le bras gauche, la facture de l'armure la rendait aisément dissimulable sous des vêtements amples et la question ne pouvait alors que s'imposer, qu'est ce qu'un jongleur itinérant faisait avec un tel équipement ?

Il se pencha en avant et arrache une hachette des doigts raidis de son propriétaire au crâne bosselé avant de s'élançer vers un nouvel adversaire avec sa vélocité désormais coutumière pour ses compagnons. Le picte fit face en dévoilant ses crocs taillés comme un animal tout en poussant un rugissement bestial. Le Kithanien sauta à hauteur du torse du sauvage, les genoux repliés à hauteur de la poitrine avant de détendre ses jambes et de percuter son adversaire en pleine poitrine de ses deux pieds. Les deux hommes roulèrent au sol, mais le Kithanien fut plus prompt à se relever en plaçant ses mains paumes vers le sol à hauteur de sa nuque, il se releva d'un bond prêt à combattre tandis que le picte se relevait plus difficilement, le souffle coupé.
La hachette parcouru la distance entre les deux hommes en fendant l'air dans un sifflement caractéristique avant de se planter dans le crâne du sauvage dans un atroce bruit de suscion et d'os qui craque.

Tandis que Killian maintenait son cheval couché sur le flanc, en lui murmurant de douces paroles, Taku trancha la lanière de cuir qui retenait Fearghal prisonnier, et le tira de toutes ses forces.

Le Barbare avait la jambe toute engourdie, ne sentant plus son pied. "Elle doit être bleue", se dit-il.

Taku s'éloigna pour plonger dans la mêlée, accomplissant un saut étrange, les deux pieds en avant, pour faire chûter son adversaire. Puis se relevant plus vite que celui-ci, il lui lança une hachette qu'il avait récupéré sur un cadavre. Le Picte s'écroula à la renverse, la hache plantée entre les deux yeux.

Fearghal libéré, Killian laissa le magnifique destrier se relever. Le géant lui demanda de le soutenir alors qu'il tentait de se mettre debout. En se redressant, il avait vu le chariot qui gisait sur le côté, une roue brisée. Les occupants en avaient été éjectés et se remettaient peu à peu sur pied, exception faite de Glabro et de Tullius qui, malheureusement, ne se relèveraient jamais. A l'avant du chariot, les chevaux hennissaient pitoyablement en se démenant comme ils le pouvaient. L'un d'eux avait une patte brisée.

Se tournant vers Killian, il vit que celui-ci avait une blessure à la tempe. Ghyl, le bras raide et se tenant l'épaule, se dirigeait vers Laëlla, qui gisait sans connaissance sur le chemin. Messyahn, Herana, Taku et Zenzila avaient l'air intacts. Fearghal adressa un rictus à son ami, qui le soutenait.

- Pas brillant, hein ?

Killian regarda son ami Fearghal qu'il soutenait aprés sa réplique. Il fut prit d'un rire rauque, l'expression ironique, alors que la blessure de sa tempe avait laissé une longue trace de sang sur le côté gauche de son visage.

-Les petites filles de notre pays se battent bien mieux qu'eux !

Entendant la réflexion de Fearghal et voyant son air dépité, Zenzila répondit au cimmérien

- " Allons Fearghal, ce sont les risques des combats. En tout cas, nous nous en sortons mieux que ces glorieux guerriers pictes."

Zenzila posa sa main sur l'épaule de son compagnon pour le rassurer. Sa main était chaude, ferme mais douce.
Elle sortit de son sac un pot en terre cuite , elle retira le couvercle et plongea les doigts dedans.
Ses doigts étaient recouverts d'une substance grasse et blanchâtre. Elle se baissa et, relevant la jambière du cimmérien,
elle lui massa sa jambe avec cet onguent réparateur.
Fearghal sentit tout de suite un froid intense lorsque la stygienne appliqua l'onguent, puis une chaleur intense qui faisait disparaître ses douleurs.
Il regardait Zenzila faire ces gestes avec une douceur maternelle. Il se demandait toujours comment une aussi belle femme
pouvait être à la fois un démon sanguinaire et une femme bienveillante.
Par ses gestes, la stygienne calmait tous ses maux aussi bien physiques que psychologiques.
Il sentait ses forces et son moral revenir à leur maximum.

- " Bien, enterrons nos compagnons de route, remettons le chariot en état et repartons vers Thandara.
Glabro disait que nous n'étions plus très loin du Fort, destination de notre périple.
Nous connaîtrons d'autres combats, d'autres souffrances.
Considérons ce jour comme notre baptême du feu au Westermarck, comme une fête de bienvenue de la part des pictes."

Elle laissa Fearghal remettre sa tenue en ordre. Elle se leva et se dirigea vers Killian.
Elle embrassa son ami et en même temps posa sa main gauche sur la tempe du bel archer.
Elle fit des cercles sur sa tempe et sa main encore chargée d'onguent libéra la souffrance de l'archer.
Leurs lèvres se détachèrent, puis elle se précipita vers Laella pour voir comment allait la belle iranistani.

Ghyl aperçut enfin le corps de Laella qui gisait inconscient au milieu du chemin, il s'y hata d'un pas rapide son épaule continuant à l'élancer, la douleur fluctuant sans cesse au gré de ses mouvements.

Il pouvait voir Zenzila s'occuper de Fearghal et Killian completement opposée à la lourde machine de destruction démoniaque qu'elle devenait lors des combats.

Honorius, suivi de son acolyte, s'approcha de Killian, qui aidait son ami à marcher jusqu'au chariot qui reposait sur le flanc, son contenu répandu autour de lui.

- Au nom de Mitra, vous n'allez tout de même pas enterrer ces malheureux ici, sans les honorer comme il se doit ?

Il désigna les corps de Glabro et du jeune Tullius, étendus sur le côté de la route, l'un à côté de l'autre. Kathleen et le frère de Tullius, Taquin, s'affairer auprès des corps.

Fearghal sourit à Killian.

- Merci, mon ami, ça ira maintenant. Il se tourna vers le prêtre. "Non. Nous n'avons pas le temps pour cela. Nous allons redresser le chariot, réparer la roue cassée, et reprendre notre route, au plus vite."

- Et... et les corps ?

- Nous les emmènerons jusqu'au Fort. Là, vous pourrez faire tous les rites que vous voudrez.

Prenant son cheval par la bride, il alla attacher celui-ci à une racine affleurante, avant de se diriger vers le chariot en boitant fortement.

- Pompilius et Herana, essayez de retirer la roue de rechange. Taquin et moi, on va retirer la roue brisée. Taku et Killian, surveillez les environs, d'autres Pictes pourraient survenir. Numa, peux-tu ramasser et rassembler les bagages dispersés ?

Ramassant le maillet qu'avait utilisé le pauvre Tullius pour se défendre, Fearghal œuvra à retirer la roue abimée.

Killian sourit à Zenzila qui l'avait soignée alors qu'il relâchait son ami Fearghal. Ce n'était pas tant le baume qui l'avait guérit mais surtout ce baiser communiquant tant de sentiments.

- Pompilius et Herana,essayez de retirer la roue de rechange. Taquin et moi, on va retirer la roue brisée. Taku et Killian, surveillez les environs, d'autres Pictes pourraient survenir. Numa, peux-tu ramasser et rassembler les bagages dispersés ?

Comme à son habitude, le rôdeur s'exécuta aux ordres de son camarade qui était un parfait meneur de troupe. Il tapota sur l'épaule de Taku, le Kithanien, et lui fit signe de le suivre. Une fois l'écart il lui expliqua son plan de protection du désastre.

-Tu vois cette souche là bas ? Killian indiqua l'endroit avec une de ses flèches. On va se mettre tous les deux dessus, dos à dos, pour faire les sentinelles et j'espère que tes yeux bridés ne gênent pas ta vue. Si l'un de nous voit un ennemi, il prévient l'autre. Si c'est un archer, je m'en occupe, si c'est un guerrier, tu fonces sur lui pendant que je te couvre avec mes flèches. Compris ? Allons y.

Encore une fois Zenzila s'approcha, véritable mére pour eux tous dés que le moindre mal apparaissait. Ses beaumes et médecines arrivaient toujours à soigner leurs troubles et illui arrivait parfois de penser si ils auraient pu aller ausi loin dans leur quête sans sa présence et ses connaissances.egard vers une Laella comateuse

_"Merci Zenzila ,une fois de plus tu es toujours un amour", lui dit il tout en detournant son regard vers une Laella comateuse

Zenzila était la seule auprés de qui il se sentait naturel, elle symbolisait auprés de lui l'image de la mére tout comme Fearghal était le pére qu'il avait perdu.

De tous côtés, venant des bois, apparurent des hommes farouches, vêtus de peaux de daim et de cuir souple, aux cheveux châtains pour la plupart, qu'ils avaient piqués de feuilles et de brindilles, leur donnant une apparence des plus étranges. Ils tenaient à la main de solides arcs ou de robustes haches. Ils ne se montrèrent guère menaçants quant aux voyageurs, bien que Numa eut peur en les voyer arriver, les prenant pour un autre groupe de ces affreux Pictes.

A voir sa dégaîne on pouvait voir que celui qui semblait être le chef des nouveaux arrivants était un pur natif du Westermarck. Sa taille n'était guère exceptionnelle, ni sa carrure, mais ses muscles étaient solides et noueux. Ses cheveux, comme nombre d'Aquiloniens étaient châtains, mais sa peau plus foncée que la moyenne, en faisait un originaire du Sud. Ses traits durs étaient percés de deux yeux gris d'acier.

Il portait, comme tous ses camarades qui allèrent donner un coup de main pour réparer le chariot, une tunique de chasse en daim, des bandes molletières et des mocassins. Son baudrier était parfaitement ajusté autour de sa taille et une hache ainsi qu'une épée y pendaient dans leurs fourreaux. Sur sa hanche gauche, un carquois bien garni servait à alimenter le lourd arc qu'il tenait dans sa main ferme.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il sans ambages au Cimmérien qui le dépassait d'une bonne tête. Son ton n'était pas spécialement agressif, mais on sentait qu'il se méfiait, et s'était préparé à toute éventualité.

- Je m'appelle Fearghal. Mes compagnons et moi-même voyageons avec ces gens, il désigna d'un geste Pompilius et sa femme Numa, ainsi que le prêtre et son jeune acolyte, et Taquin, qui pleurait sur le corps de son frère. Tout allait pour le mieux quand ces Pictes ont surgi et nous ont attaqués. Nous nous rendions à Fort Thandara, où, dit-on, de nouvelles terres sont à prendre, pour peu qu'on sache les garder.

Le visage du Ranger se détendit et il se permit même un sourire.
- Vous semblez de taille en effet à vous défendre. Si cela n'avait pas été le cas, ces Pictes vous auraient tous massacrés.

Il tendit une main et serra celle de Fearghal.
- Soyez les bienvenus en Thandara. Nous manquons d'hommes comme vous. Je m'appelle Gault, fils de Hagar. Je suis capitaine sous les ordres du gouverneur Brant, fils de Drago.

Il examina le groupe d'étrangers qu'il avait face à lui. "Vous n'êtes pas Aquiloniens..." dit-il simplement.

Le géant secoua la tête. "Non, nous sommes Cimmériens, pour la plupart. C'est le cas pour Herana, ma compagne, la blonde Kathleen sa soeur, Ghyl, Killian et Zenzila, qui est aussi à moitié Stygienne. Messyahn, lui, est Stygien et Taku, ... je ne sais plus, mais c'est loin à l'Est, paraît-il. Quant à Laëlla, qui se relève, là, elle est ... du Sud également."

Gault salua de la tête chacun des amis.
- Cimmériens, hein ? Comme Conan. Vous allez vous faire des amis, alors par ici.

- Pourquoi ?

- Conan, avant d'être roi, a servi comme éclaireur en Conajohara, où je suis né. Quand les Pictes du clan des Loups nous ont attaqués, Conan a permis à nombre de colons de s'en sortir vivant, après avoir tué Zogar Sag, le sorcier qui a réussi à fédérer de nombreuses tribus sous son autorité. Oui, même si la Conajohara a été abandonnée, les survivants que nous sommes, et il y en a beaucoup parmi nous, lui devons une fière chandelle.

Il se ressaisit, quittant de bien sombres souvenirs.
- Bon, ce n'est pas tout ça. Il nous faut partir au plus vite.

Le chariot réparé, les compagnons poursuivirent leur route, escortés par les rangers de la Thandara.
Les hommes étaient à pied et les compagnons marchèrent à leurs côtés tenant la bride de leurs chevaux.

Fearghal continuait de discuter avec Gault tout en ayant surveillé au préalable la présence de ses camarades.
Les voyageurs avaient repris leur place dans le chariot, ils accompagnaient avec une certaine crainte et
beaucoup d'émotions les deux corps recouverts d'un drap blanc.

Après quelques heures de marche, la forêt paraissait moins dense. Ils n'étaient pas loin du Fort et parmi la forêt,
ils commençaient à distinguer ça et là des petites habitations faites de rondins de bois.
Des clairières déboisées laissaient apparaître des parcelles de terre vouée à la culture.
Le chemin qu'ils suivaient s'agrandissait au fur et à mesure qu'ils avançaient.

Les rangers silencieux à leur départ se mettaient à rire et à parler bruyamment, signe de l'approche du Fort.
Zenzila se tourna vers un jeune ranger de la Thandara.

- " Nous arrivons bientôt au Fort n'est ce pas ? "

- " Ben oui, c'est là "

dit-il en tendant le bras droit et en lui montrant une direction.

Zenzila tourna la tête et elle vit au loin les hautes palissades du Fort, leur destination finale,
l'espoir d'une nouvelle vie, le rêve espéré de ses compagnons.
Elle remercia le jeune taciturne et s'alluma une racine rouge pour profiter
de cette arrivée vers l'inconnu prometteur d'avenir...

Ghyl continuait d'observer ces hommes qui les accompagnaient sur la route du fort. La rude vie locale les avait rendu aussi dur et solide que des pierres, la lutte constante contre les pictes et leur environnement les avait endurcis les éloignant des citadins civilisés pour en faire des guerriers et des chasseurs aptes à se mesurer à quiconque se dresserait au travers de leur chemin.

Il accompagnait donc ces compagnons vers le fort de Thendara pretant l'oreille afin d'essayer d'en savoir un peu plus sur ce qui pouvait les attendre mais ces hommes restaient calmes et toujours aux aguets se prétant peu aux discussions.

Le fort était imposant et avait été construit pour durer, bien qu'il fut en bois. Il n'y avait guère de carrière dans la région, et la vitesse de construction était primordiale, au sein d'une forêt hostile, où une flèche pouvait vous transpercer le coeur avant que vous n'ayez vu le moindre danger. Bâti sur une vaste étendue plane qui avait au préalable été défrichée, les premiers colons avaient pris soin de creuser, tout autour des palissades de rondins, un large fossé, maintenant inondé. Un large pont enjambait celui-ci et menait à deux portes de grosses poutres bien solides, sous l'œil vigilant des vigies qui montaient la garde sur les deux tours qui en flanquaient l'accès. Par ailleurs de grosses tours carrées rompaient, à chaque coin du pentagone, la monotonie des palissades.

Au-delà des palissades se devinait le donjon, vaste bâtisse en bois également, de plusieurs étages. Le drapeau des Libres Provinces de Thandara y était planté, sous l'étendard royal, au lion d'or sur fond noir, couleurs du Roi Conan.

Gault, fils de Hagar, s'adressa à Fearghal et à ses amis.

- Voilà Fort Thandara. Vous êtes à présent en sécurité, si vous ne trainez pas à vous y réfugier.
- Mais... vous ne venez pas avec nous ? demanda Fearghal.
- Non, répondit le Ranger simplement. Nous avons une mission à accomplir, et nous ne pouvons trop nous attarder.

Sur ces paroles, il tourna les talons et emmena avec lui ses hommes. Ils s'enfoncèrent dans la forêt tels des spectres dans la nuit.

Fearghal contempla un instant ses compagnons de route et, après avoir examiné d'un rictus le fort, dit : "Bon, nous y voilà, compagnons, en route !"

Le Fort Thandara grandissait au fur et à mesure qu'ils avançaient.

Les rangers disparurent dans les fourrés qui bordaient les bois suivant leur chef, le capitaine Gault.
Les voyageurs se retrouvèrent seuls face au Fort.

-"Bon, nous y voilà, compagnons, en route !"

Dit Fearghal de sa voix forte. Un mélange d'enthousiasme et d'espoir se lisaient sur les visages des
guerriers. A bord du chariot les colons qui veillaient les morts étaient soulagés de quitter ce cortège funèbre.

Ils reprirent leur route et, arrivés à quelques mètres des lourdes portes en bois, les deux battants s'ouvrirent
devant eux. Des soldats en arme entouraient un homme à l'allure imposante, au visage carré; esquissant un sourire,
il leur dit :

- " Soyez les bienvenus au Fort Thandara, mes braves !
Ici, les voyageurs qui arrivent en vie posent leurs sacs, bâtissent leur maison et commencent une nouvelle vie.
Ici, vous faites table rase du passé.

Je m'appelle Brant, fils de Drago, gouverneur de la Thandara.

Si vous ne craignez pas les Pictes, ni les bêtes sauvages, alors nous vous accueillons à bras ouverts.
Puisse le chemin qui vous a amené jusqu'ici vous apportez les réponses à vos interrogations."

Les arrivants étaient impressionnés par la prestance du gouverneur.

Killian sentit la main chaude de Zenzila prendre la sienne et la serrer.

- " Quel accueil !!! Je sens que nous allons nous plaire ici "

Lui dit-elle doucement en souriant à pleines dents.
Elle se tourna, tous étaient impressionnés par l'accueil de Brant...

Fearghal s'avança le premier, en boitant. L'onguent de Zenzila, bien qu'efficace pour contrer la douleur qu'occasionnaient les muscles blessés de sa cuisse, ne pouvait rien contre la raideur de ceux-ci.

- Gouverneur, dit-il, je suis Fearghal le Cimmérien, fils de Braiden le bûcheron, du clan de l'Aurochs. Permets-moi, au nom de mes compagnons et en mon nom propre, de te remercier pour ton accueil et ton hospitalité.

D'un geste du bras, il désigna le chariot qui pénétrait dans l'enceinte du fort, et autour duquel des rangers robustes s'affairaient pour venir en aide aux réfugiés. Honorius, le prêtre de Mitra, faisait tonner sa voix grave. "Doucement, mon fils. Nous ne sommes point des bestiaux que l'on mène à l'abattoir."

- Nous avons été attaqués sur le chemin, juste avant d'être secourus par vos hommes, poursuivit le Barbare. Le sergent Galbro, qui nous guidait, a été tué d'une flèche, ainsi que le jeune Tullius.

Le gouverneur se montra attristé par ces funèbres nouvelles.

- Le sergent Galbro était un élément de valeur, il nous manquera c'est certain. Il est l'un des rares soldats à être restés, tandis que le reste du contingent s'en est retourné vers d'autres forts, d'autres garnisons.

Il désigna les hommes qui s'affairaient de tous côtés, déchargeant le chariot, montant la garde dans les tours de guet, ou s'entraînant à l'épée dans un espace dégagé.

- Ces hommes, malgré les apparences, ne sont pas des soldats; pas au sens propre, mais ils sont néanmoins de redoutables guerriers, bien plus efficaces car ils se battent non pour une solde ou un vague devoir patriotique, mais pour leurs familles, qui vivent au sein de ce fort, comme vous pouvez le juger à ces maisons, ou aux alentours de celui-ci. Ici, finit l'Aquilonie. Ici, nous ne devons compter que sur nous-mêmes. Vous êtes dans les Libres Provinces de la Thandara.

L'homme se tourna vers les nouveaux arrivants.

- Ce voyage a du être harassant, reposez-vous à satiété. Ces gens vont vous accueillir chez eux le temps que vous vous installiez. Vous êtes ici à l'endroit le plus sûr à des kilomètres à la ronde. Il posa sa main sur l'épaule de Fearghal et plongea ses yeux dans les siens. Vous êtes blessé, mais si vous pouviez m'accorder un petit entretien, on vous soignera pendant que nous parlerons.

Ces paroles s'adressaient autant qu'à lui qu'à ses compagnons, qui s'étaient rapprochés pour suivre la conversation.

L'acceuil de Brant lui mettait du beaume au coeur et les explications qu'il leur avait donné succintement combalient ses attentes.

Jetant un regard rapide à Laella, il laissa vagabonder son imagination, imaginant un endroit où ils pourraient couler des jours heureux en compagnie de tous leurs amis et de leurs nouveaux voisins.

Attendant tous ces compagnons il engloutit la douce et fine main de Laella dans la sienne, puisant un énorme réconfort et espoir dans son contact.

Du haut d'une des tours de guet, une sentinelle tendit le bras.

- Cavaliers en approche !

Le gouverneur, qui entrainait les futurs Pionniers vers le donjon, se figea et leva les yeux vers la tour d'où l'appel avait fusé.

- De quoi s'agit-il, demanda-t-il, des soldats, des marchands, des civils ?

Pendant ce temps, les Rangers qui entouraient le chariot, ou qui vaquaient à leurs occupations au sein de l'enceinte, se précipitèrent sur les remparts de bois, préparant leurs arcs.

- Des soldats, d'après les lances qui pointent au ciel, ils arborent des fanions. Ils sont une dizaine, en armure. Je vois... oui, le lion d'or ! Ce sont des troupes Royales ! A leur tête, je vois un cavalier en armure sombre.

Brant, fils de Drago, haussa un sourcil, visiblement intrigué. Il marmonna pour lui-même : "Que vient donc faire un émissaire du Roi par ici ?". Puis haussant la voix : "Ouvrez leur la porte."

Il se tourna vers ceux qui se trouvaient à son côté : "Vous excuserez ce contretemps, mais les visites diplomatiques sont plutôt rares, et je m'en voudrais de mal recevoir un émissaire de haut rang."

Les portes du fort s’ouvrirent pour laisser passer le détachement. Il était composé de 11 hommes en tout. L’officier qui chevauchait en tête montait un puissant destrier de couleur noire et portait une armure de campagne également sombre, ainsi qu’un casque massif armé de pointes qui cachait complément son visage. Les armures de plaques des 10 autres chevaliers qui l’accompagnaient semblaient étinceler sous les rayons du soleil.

La colonne s’arrêta lorsque le dernier homme franchit le portail, mais les chevaliers restèrent immobiles, attendant les ordres. Leur supérieur examina attentivement les lieux, et on voyait son casque tourner lentement alors que son regard se promena de gauche à droite, puis faisant le chemin inverse. Finalement, l’homme fixa son regard sur Brant, l’ayant identifié comme la personne en charge du fort, descendit de son destrier et se dirigea vers lui. Ses gestes précis et assurés, ainsi que son attitude et son allure indiquaient clairement qu’il s’agissait d’un militaire professionnel, habitué à obéir et se faire obéir.

Le nouvel arrivant enleva son casque, révélant un visage aux traits rudes caractéristiques des habitants du grand nord. Dire que son visage était pale aurait été un euphémisme, il était d’une blancheur qui évoquait celui des glaciers. Il était impossible de déterminer l’âge de cet officier, mais l’absence de rides indiquait qu’il était plutôt jeune. Malgré cela, les cheveux longs qui tombaient sur ses épaules telle une cascade gelée, ainsi que ses épais sourcils, étaient blancs, avec une légère teinte bleutée.

Mais la caractéristique la plus marquante de l’albinos était ses yeux, deux fentes aux iris écarlates et aux pupilles étroits lançant un regard froid et tranchant, mais plutôt distant qu’hostile. Il y avait quelque chose de profondément étrange chez cet homme, et ce n’était pas uniquement dû à ses traits.

L’officier leva sa main gantée en un geste de salut, s’adressant au gouverneur d’une voix grave et roque.

- Je vous salue, gouverneur. Je suis Lord Volundar, Attaché aux Affaires Militaires et émissaire du Roi d’Aquilonie. Je viens ici suivant les ordres du Roi afin de vous assister dans l’organisation de votre défense.

Il marqua une pause, examinant les réactions de son hôte.

- " Je n'ai pas eu d'information de mes amis poitainiens au service du roi Conan concernant l'envoi d'un détachement. Montre-moi une lettre de gage prouvant ta bonne foi ! "

En entendant ces paroles Lord Volundar sortit un parchemin de son sac à dos et le tendit à Brant, sans prononcer un seul mot. Ensuite, le militaire écouta le gouverneur avec attention, parfaitement immobile, telle une statue en marbre, et seuls ses yeux rouges suivaient des mouvements rapides et précis, examinant les lieux et notant les détails. Les chevaliers qui l’accompagnaient restaient également à leur place, attendant toujours les ordres de leur supérieur.

Finalement, lorsque le gouverneur l’invita à reprendre parole, Volundar répondit sur un ton neutre, le visage toujours inexpressif :

- Mon maitre est parfaitement au courant de la situation politique et du statut de cette colonie. Dans cette région, les intérêts d’Aquilonie et ceux des colons sont étroitement liés. Les attaques des pictes sont devenues particulièrement fréquentes et violentes, et le Roi m’a ordonné d’enquêter sur les causes de cette recrudescence d’hostilité. En clair, gouverneur, nous vous proposons une alliance afin de parer à la menace picte !