Les Pionniers arrivent en Thandara...

- Eh bien, si comme tu le prétends, les Pictes préparent quelque chose, alors en effet tes hommes et toi êtes les bienvenus ici. Ces démons n'ont toujours pas digéré le fait que l'on aie pris leurs terres et il se peut bien qu'ils fomentent quelque chose. En ce cas, nous aurions bien besoin d'aide. Mais comprenez-moi bien, Lord Volundar. J'ai été choisi à ce poste par les gens qui vivent ici, de manière tout à fait démocratique. Le Roi Numedides a validé, en son temps, ma nomination, et jamais Conan n'a remis en cause cette situation. Il n'est donc pas question qu'un étranger, aussi noble et titré qu'il soit, vienne dicter notre conduite. J'accepte ton soutien, puisque apparemment vous êtes ici pour cela, mais mes capitaines connaissent parfaitement la situation et sont capables de prendre les choses en main. D'ailleurs, voici l'un d'eux, Gault, fils de Hagar.

En effet, le ranger, après avoir laissé ses hommes, était venu se mettre au rapport.

- Eh bien, Gault fils de Hagar, quelle est la situation ?

L'homme qui était vêtu de cuir se mit à parler.
- Les Pictes du village de Wangan-Wakpa ont perdu leur chef Wanji-Nugi, Une-Oreille. Les Alligators des autres villages ont convergé vers Wangan-Wakpa pour lui rendre hommage. C'est sur un de ces groupes qu'est tombé le sergent Galbro. A mon avis, il vaudrait mieux se tenir à carreaux pour l'instant et laisser les Pictes pleurer la mort de ce vieux chef.

Le Capitaine, après avoir fait ce rapport resta là, visiblement il avait encore une chose à ajouter. Brant, fils de Drago, l'invita d'un hochement de tête à continuer.
- Eh bien, depuis que Croton, fils de Hordo, a perdu sa jambe dans un piège des Loutres, les Capitaines sont en sous-nombre. Il faudrait que vous nous en nommiez des nouveaux. Paris, fille de Klein, et moi ne pouvons plus suffire. Les colons refoulés par l'Oriskonie et la Conawaga sont de plus en plus nombreux à arriver, comme ces gens. Il faut de nouveaux officiers pour veiller à leur sécurité.

Fearghal, qui avait suivi la conversation, à distance respectable, fit un pas en avant, claudiquant sur sa jambe blessée.
- Si je peux me permettre, je me porte volontaire, dit-il. J'ai déjà tenu ce grade autrefois, en Cimmérie, et j'ai mené des hommes à la bataille. J'ai de plus servi le général Conan durant la guerre civile.

Surpris, le gouverneur haussa un sourcil.

Killian, ne voulant pas être ne reste s'avança lui aussi et, tenant toujours Zenzila, amena cette dernière devant le gouverneur.

-Ouais, moi aussi, j'ai longtemps chassé dans les collines grises et j'en connais long sur la trappe, je pense que je peux être utile. J'ai pas servi qui que ce soit mais je suis fier de notre roi et Fearghal est mon compagnon de toujours, tout comme Zenzila.

Le ranger esquissa un sourire sur un air de défi, regardant tour à tour ses camarades.

Glaciale comme la mort, une voix sourde s'éleva :

- " Gouverneur Brant, ôtes moi un doute.
Les Pictes, ainsi que tu les nommes, sont-ce ces fragiles petites créatures simiesques dont nous avons croisé le chemin récemment ?

Si tel est le cas, ils feront un gibier de choix"


N'exprimant ni joie, ni haine, en la bouche du Stygien, ces mots sonnaient comme une simple évidence.

Zenzila donna un coup de coude à Messyahn pour qu'il se taise en esquissant
un sourire complice à son étrange compagnon.

- " Je serais heureuse de servir en tant que capitaine sous vos ordres Brant, j'ai combattu dans les pays du Sud et de l'Est.
J'ai guerroyé dans le Vanaheim et en Cimmérie aux côtés des plus rudes guerriers et mes capacités fort nombreuses ont
toujours été au service des causes justes.
En choisissant de venir jusqu'ici sur les conseils du roi Conan, nous savions se que nous faisions et se que nous risquions .
Acceptez notre offre Brant et vous n'aurez pas à le regretter."

L’officier Aquilonien restait immobile, posant son regard inquisiteur sur les pionniers, sans que ce regard exprime une quelconque émotion identifiable. Jugeant que la réaction du gouverneur n’était pas hostile et que, de toute façon, son attention s’était reportée ailleurs, il se tourna vers les cavaliers qu’il commandait qui, obéissant à son geste, descendirent de cheval, toujours dans un ordre militaire impeccable, et avancèrent vers les écuries. Ensuite, il se tourna de nouveau vers le gouverneur et le groupe d’individus qui s’était assemblés autour de lui.

Ghyl s'avança d'un pas , se positionnant aux cotés de ses amis.

-"Je n'ai pas les compétence de mes amis et camarades mais vous pouvez compter sur moi. Nous nous connaissons et avons déja combattus ensemble et savons comment réagissent les autres, donc considerez mon aide comme acquise".

Le visage de Volundar garda une expression neutre et impénétrable, et seul un léger haussement de l’un de ses sourcils épais trahit son étonnement.

- Gouverneur, prononça-t-il d’une voix froide et tranchante, veuillez pardonner ma franchise mais je suis un militaire, pas un diplomate. Je suis étonné de l’opinion que vous semblez avoir des forces armées du royaume d’Aquilonie. Nous ne sommes pas des maraudeurs ou une armée d’invasion. Notre devoir est de faire régner la loi et l’ordre, par la force si nécessaire, afin de protéger la population des hordes de barbares qui encerclent notre royaume.

L’officier marqua une pause afin d’observer les réactions du gouverneur et de ses capitaines.

- Je viens ici dans le but de remplir une mission précise, et je ne partirai pas avant de l’avoir accomplie. Ce qui est en jeu dépasse de loin le sort de votre colonie, il en va de la sécurité de notre royaume. Puisqu’il en est ainsi, vous n’avez que deux choix possibles. Soit vous êtes notre allié, soit vous êtes dans le camp opposé. Le Roi d’Aquilonie compte donc sur votre entière coopération dans mon enquête, comme stipulé dans la lettre que je viens de vous remettre. Nous respecterons vos lois locales et nous n’abuserons pas de votre hospitalité, mais je tiens à préciser que nous nous réservons le droit de recourir à la force si nous sommes menacés ou si notre enquête est entravée. Bien évidemment, l’Aquilonie vous dédommagera pour les frais de notre séjour ainsi que pour les dommages qui pourraient être causés dans le cadre de l’accomplissement de notre mission. Acceptez-vous ces conditions ?

Repoussant Gault qui, furieux et les poings serrés, allait s'avancer vers l'arrogant personnage pour lui dire sa façon de penser, Brant, fils de Drago, gouverneur des Provinces Libres de la Thandara, alla aux devants du Lord. Lui aussi fulminait, mais il savait mesurer ses gestes.

- Non, je n'accepterai pas ces conditions, Lord Volundar, vous n'êtes pas ici en terre conquise, et je ne suis pas le chef de guerre d'une tribu soumise, souvenez-vos en. Nous ne nous laisserons pas imposer quelque condition que ce soit. Nous tous ici, ce jeune homme, celui-là aussi, de même que ces gens, sont des personnes libres, venus s'installer ici dans l'espoir d'une nouvelle vie. Ici, en Thandara, tout ce qu'ils ont, ils l'ont de leur travail, de leur sueur, de leur sang. Ils m'ont choisi pour les représenter face à des gens comme vous, Volundar, qui incarnez l'autorité sans même la mériter. Osez recourir à la force, et la Thandara se soulèvera, et avec elle, tout le Westermarck. Nous avons passé un accord avec le Roi. Lever les armes contre nous serait une grave erreur, dont vous serez le premier à pâtir. La patente dont vous êtes le porteur me demande - il insista sur ce mot - de collaborer. Elle ne m'oblige d'aucune façon à vous obéir. Je collaborerai donc, mais quand cette affaire sera terminée, Lord Volundar, nous règlerons cette affaire par les armes, ici-même, à l'endroit où votre affront a eu lieu.

Les hommes de Volundar se figèrent, prêts à parer à toute éventualité. Ils étaient bien placés pour savoir que leur supérieur n’aimait pas être contrarié de la sorte. La tension devint presque palpable alors que le regard des yeux écarlates de Volundar croisa celui de Brant.

Soudain, d’une manière inattendue, le visage de l’officier aquilonien se détendit quelque peu, et même le ton de sa voix changea légèrement.

- Vous avez certainement droit de demander réparation, gouverneur, mais comprenez bien que je suis les instructions que j’ai reçues. Sur un plan personnel, je n’ai strictement rien contre vous, et tout homme qui tient plus à sa liberté qu’à sa sécurité, et dont la fidélité n’est pas à vendre, ne peut que m’inspirer du respect.

L’officier lança un bref regard à Fearghal, Zenzila, Killian et Messyahn, évaluant la situation. Il s’attarda un instant sur le visage de Fearghal, comme s’il avait déjà rencontré ce combattant auparavant. Ensuite, il se posa de nouveau sur le visage rude de Brant.

- Ne soyez pas trop prompt à me juger, gouverneur. Je ne suis pas un aquilonien de naissance. Il y a quelques années de cela, lorsque j’étais encore très jeune et idéaliste, je vivais au sein d’une tribu Vanir qui partageait des valeurs similaires aux vôtres, et je vous comprends parfaitement. Si j’ai choisi de servir le Roi Conan et l’Aquilonie, c’est que je crois en la nécessité d’un pouvoir central fort ; cependant je respecte votre volonté de demeurer libres et vous auto-gouverner. Je vous donne ma parole d’honneur que ni moi, ni aucun de mes hommes de troublerons la paix de votre colonie aussi longtemps que vous tiendrez votre engagement. Gouverneur, soyons alliés plutôt qu’adversaires, réservons notre courroux et notre énergie afin de combattre nos ennemis communs !

Sur ces paroles, Volundar tendit à Brant sa main gantée en un geste à la fois assuré et amical.

Le cavalier avançait lentement sur le chemin menant à Fort Thandra.

Tout en se dirigeant vers les portes du fort il constata que le nombre d'habitations de pionniers avaient augmenté fortement depuis son départ. Il avait quitté cette région depuis plus d'un an.
Le nombre croissant de pionniers dans la région signifiait une expansion vers l'ouest au-delà de la rivière du Tonnerre en direction de la rivière noire. Cela ne manquerait pas de contrarier les tribus Pictes qui occupaient ce territoire et de menacer la paix toujours très fragile de cette région.
Il comprenait mieux maintenant pourquoi les défenses du fort semblaient avoir été renforcées.
Connaissant le gouverneur Brandt cela n'était pas vraiment surprenant. C'était un homme avisé prenant la défense de la région et de ses habitants à coeur.

Bon nombre de pionniers situés en bordure du fort et récemment arrivés dans cette partie du Westermarck observait ce nouveau arrivant à l'allure insolite.
Une réaction peu étonnante dans une communauté aussi liée que celle de cette colonie.

Les portes du fort étaient ouvertes à ce moment de la journée. L'un des gardes posté à l'entrée le salua. Le cavalier salua de la tête. Le sergent de garde en faction devant la porte du fort secondaire sourit et se dirigea à vive allure vers le quartier général de la garnison."
Maintenant que Brandt allait être informé de son arrivée, il n'était pas nécessaire de retarder la rencontre. Il descendit de sa monture et continua à pied jusqu'aux étables de la garnison. Il finissait d'attacher sa monture et les deux autres chevaux dont il se servait pour transporter ses biens quand le sergent l'apostropha à nouveau.

"J'ai prévenu le gouverneur de ton arrivé. Il te demande de te présenter à lui sans tarder."

L'homme acquiesça de la tête.

"Toujours aussi impatient ce cher Brandt. Il peut bien attendre. Le temps que je m'occupe de mes chevaux."

"Vas-y! Je m'en occuperais de tes bêtes et surtout essayes de ne pas l'énerver."

"J'essayerais."

Un faucon tournait dans le ciel. Il poussa un cri et piqua en direction des deux hommes. Au dernier moment le cavalier tendit son bras et l'oiseau redressant sa course se percha sur la main gantée du cavalier.

Le sergent grommela.

"Maintenant c'est certain tu vas l'énerver."

Avec un sourire l'homme se dirigea vers le bâtiment qui abritait le bureau du gouverneur.
Il trouva son chemin facilement. Ce n'était pas la première fois qu'il visitait Brandt.

Brandt était en discussion avec Gault l'un de ses capitaines. Les deux hommes lui tournaient le dos, occupés à converser en observant sur le mur une carte rudimentaire de la région.

Ne voulant pas déranger les deux hommes, il posa son faucon sur le haut du dossier d'une des chaises situées en face du bureau du gouverneur. D'un pas lent il alla s'asseoir sur le coin du bureau et attendant le fin de la conversation se mit a feuilleter les missives qui le jalonnaient.

Le faucon déploya ses ailes. Brandt et Gault se retournèrent. Brandt fronça les sourcils.

"Daoud ! je croyais vos os entrain d'orner un totem picte quelque part entre la rivière noire et la rivière du tonnerre."

Brandt regarda d'abord le faucon et ensuite Daoud assis sur le coin de son bureau.

"Mais à certain moment je me demande si cela ne serait pas mieux ?"

"Désolé de te décevoir gouverneur. Mais on ne peut mourir qu'une fois. Et moi je suis déjà mort il y a bien longtemps."

"Mais merci quand même de cet accueil chaleureux. Cela fait plaisir après plus d'un an d'absence. Quelles sont les bonnes nouvelles gouverneur ?"
Enfin une taverne dans le fort ? Voir même un Bordel? .........."

Le gouverneur haussa un sourcil, n'appréciant pas la boutade de la même manière que Daoud.

- Le jour où l'on introduira une taverne, voire pire, un bordel, en Thandara, tu peux-être certain que nous ne tiendrons pas trois mois avant que les Pictes nous tombent dessus. De tels établissements sont la cause de plus de drames qu'ils n'apportent du réconfort, vous le savez bien.

Il pointa sur la carte la région s'étendant du Nord-Ouest au Sud-Ouest. "Toute cette région est en effervescence et, il glissa son doigt sur la carte au Nord, entre les positions de Fort Thandara et Fort Kwanyara, "les Pictes sont encore forts dangereux dans cette partie du territoire. Vous croyez opportun d'ouvrir un débit de boissons et de faire venir des filles ? Je ne le crois pas."